Lorsque Wind Fisher a présenté en novembre 2025 le vol réussi de son prototype de quinze mètres sur le site d’essais de Transpolis à Saint-Maurice-de-Rémens, c’est toute la communauté scientifique grenobloise qui a vu aboutir un long travail de maturation. L’aile cylindrique gonflée à l’hélium, baptisée MAG, a décollé seule, évolué en boucle puis regagné le sol automatiquement, entièrement pilotée par les algorithmes mis au point avec les équipes des laboratoires grenoblois. Ce succès marque un tournant pour cette éolienne aéroportée, conçue pour aller chercher les vents puissants et réguliers qui circulent plusieurs centaines de mètres au-dessus des éoliennes classiques.
Le principe physique au cœur de cette innovation est l’effet Magnus, un phénomène familier aux amateurs de tennis. Lorsqu’un joueur imprime un lift prononcé à la balle, sa rotation crée une force latérale qui dévie sa trajectoire. Wind Fisher transpose ce principe à grande échelle : son aile cylindrique en rotation génère une force latérale qui la fait se déplacer dans la masse d’air. Reliée au sol par un câble, elle transmet alors cette force à un générateur installé au sol, transformant le mouvement en électricité. Cette approche permet d’exploiter un gisement éolien largement sous-utilisé : celui des vents d’altitude, deux fois plus rapides et nettement plus constants que ceux rencontrés au niveau du sol.
Une alternative plus légère, plus productive et plus durable à l’éolien classique
En s’affranchissant des structures massives des éoliennes terrestres, l’éolienne de Wind Fisher gagne en efficacité. L’aile gonflée à l’hélium nécessite très peu de matériaux, ne requiert aucune fondation en béton et peut être déployée en moins d’une journée, y compris dans des zones isolées. L’ensemble est beaucoup plus compact qu’une éolienne classique, offrant une empreinte au sol réduite et une installation réversible. Surtout, en captant les vents d’altitude, l’éolienne produit deux fois plus d’électricité qu’une machine terrestre de même puissance et jusqu’à cinq fois plus qu’une installation photovoltaïque. Elle pourrait fonctionner 60% du temps à pleine puissance, un taux de disponibilité particulièrement élevé pour une énergie renouvelable. L’atterrissage automatique en cas de tempête réduit par ailleurs les risques mécaniques, rendant l’ensemble plus sûr et plus robuste.
Les modèles mathématiques au cœur du pilotage
Si cette technologie atteint aujourd’hui un tel niveau de maturité, c’est en partie grâce à la collaboration de longue date avec le GIPSA-lab. Depuis 2015, le laboratoire accompagne la start-up dans la modélisation et la commande du système. Nacim Meslem, maître de conférences Grenoble INP, supporte notamment Wind Fisher dans le travail d'intégration des modèles mathématiques pour le contrôle du système et l'estimation des forces qu’il subit en vol. Ces modèles, développés par Armand Tardella (Chief Scientist chez Wind Fisher), décrivent précisément le comportement de l’aile en vol. Ils permettent alors de concevoir les lois de commande capables de piloter l’éolienne dans des conditions de vent parfois extrêmes. Ils permettent aussi d’estimer en temps réel les forces qui s’appliquent sur l’aile une fois en altitude, une information essentielle pour ajuster le pilotage, optimiser la trajectoire et quantifier précisément l’énergie produite. Le GIPSA-lab a également apporté son expertise en avionique et en mécatronique, en s’appuyant sur sa plateforme nationale de robotique aérienne intégrée à Robotex 2.0. La collaboration est telle que les deux structures ont déposé un dossier de création de laboratoire commun auprès de l’ANR, aujourd’hui en attente de réponse.
En parallèle, le LEGI contribue à lever les verrous scientifiques liés à l’aérodynamique du cylindre en rotation. Depuis 2023, une thèse CIFRE menée par Alessandro Genoni, encadrée par Christophe Sicot (Institut Pprime, Poitiers) et Stéphane Barre (LEGI, Grenoble), explore en effet les phénomènes liés à l’effet Magnus. Ces travaux permettent de mieux comprendre les conditions réelles de vol et d’affiner les modèles de dimensionnement des futurs prototypes, les MAG25 et MAG80, actuellement en préparation.
Wind Fisher envisage désormais la pré-industrialisation de ses premières machines et ambitionne de jouer un rôle majeur dans le paysage des énergies renouvelables. En réunissant automaticiens, roboticiens et aérodynamiciens autour d’un projet de rupture, Grenoble INP confirme son rôle d’acteur clé dans l’essor des technologies qui accompagneront la transition énergétique.
*CNRS / UGA / Grenoble INP - UGA
La valorisation en quelques chiffres
- Trophées CURIE : finaliste en 2016 ; lauréat en 2017
- 300 actifs de propriété intellectuelle dont 50% en mandat Grenoble INP
- Brevets valorisés à 90%
- Forte dynamique dans la SATT avec 30% des projets portés par Grenoble INP
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