Les piles à combustible dans la lumière du nouveau synchrotron

Après vingt mois de travaux, le synchrotron européen (European Synchrotron Radiation Facility ou ESRF) a repris du service le mardi 25 août. Multipliant par 100 les performances de l’ancienne machine, il devient la source de rayons X la plus puissante du monde. Mais à quoi va-t-il servir ? Un exemple dans le domaine de la recherche sur les piles à combustible, filière qui bénéficie par ailleurs du soutien du plan Hydrogène présenté par le gouvernement mardi 8 septembre.
Imaginez une source de rayons X très énergétiques, 10 000 milliards de fois plus intenses que les rayons X utilisés à l'hôpital. C’est ce que propose le tout nouveau synchrotron grenoblois, récemment inauguré après deux ans de réfection, ouvrant une nouvelle ère dans l’exploration de la complexité des matériaux et de la matière vivante.
Grâce à son faisceau d’électrons de 2 micromètres de haut et 20 micromètres de large (trente fois plus fins qu’avant) circulant à une vitesse proche de celle de la lumière, l’ESRF-EBS (Extremely Brilliant Source) produit des rayons X, eux-mêmes plus brillants, permettant de disséquer la matière aux plus petites échelles avec une précision exceptionnelle jusqu’au niveau nanométrique. Et pour les chercheurs, cela change tout. Raphaël Chattot, qui effectue son post-doctorat entre le LEPMI (CNRS, Grenoble INP, UGA, Université Savoie Mont-Blanc) et l’ESRF, utilise le rayonnement X de la ligne de lumière ID31 pour mettre au point des électrodes de piles à combustible (PAC) plus performantes.
 

Optimiser les piles à combustible


Le développement des technologies de l’hydrogène et des PAC s’inscrivent dans l’objectif de décarbonatation de l’énergie. Utilisé comme vecteur énergétique, l’hydrogène produit par électrolyse de l’eau réagit dans la PAC pour produire l’électricité permettant d’alimenter un moteur électrique, avec de l’eau pour seule émission.
Dans les piles, l’hydrogène réagit avec l’oxygène. Les réactions d’oxydation et réduction de ces deux éléments sont catalysées par du platine, un matériau très coûteux qui, en outre, se dégrade dans le temps.

L pile a combustion es travaux de Raphaël Chattot et de ses collègues du LEPMI et de l’ESRF visent justement à utiliser le platine sous une forme à la fois plus performante et durable dans le temps. « Pour diminuer la quantité de platine nécessaire dans l’électrode, on l’utilise sous forme de nanoparticules, explique le chercheur. Or, le platine sous cette forme ne conserve pas ses propriétés de surface initiales tout au long de la vie de la pile. Des défauts cristallins apparaissent, qui ont un impact non trivial sur les performances du système. De façon contre-intuitive, la baisse d’activité globale du catalyseur au court du temps s’accompagne d’une augmentation de l’activité à une échelle très locale, autours de certains défauts. »

Pour réaliser des matériaux qui soient à la fois performants et durables dans le temps, il faut trouver le compromis idéal en introduisant les « bons » défauts structuraux dès la conception des nanoparticules. Et pour cela, les chercheurs ont besoin d’associer l’apparition d’un type de défaut donné à une performance. C’est là qu’intervient l’ESRF-EBS. Les nanoparticules y sont bombardées de rayons X dont les schémas de diffraction permettent de remonter à leurs structures cristallines. En produisant des rayons X bien plus intenses, le nouveau synchrotron permettra d’observer la matière directement dans l’électrode en fonctionnement, et de faire le lien entre structure et performances en temps réel. « La nouvelle source produisant entre autres un nombre de photons par unité de temps beaucoup plus important qu’avant, il augmente d’autant la vitesse d’acquisition des images, explique Raphaël Chattot. Il est en outre plus fin que précédemment, ce qui permet de sonder avec une meilleure précision les couches électrocatalytiques séparées que de seulement quelques micromètres dans le cœur de la PAC. Ce type d’étude operando est essentielle au développement de cette technologie au-delà de l’échelle laboratoire. » Au final, le nouveau faisceau permet d’étudier beaucoup plus finement les phénomènes rapides dans les systèmes en fonctionnement. Il fournira de précieuses informations dans bien des domaines.