Les réacteurs actuels, en grande majorité refroidis à l’eau, utilisent l’uranium 235 comme principal combustible. Toutefois, ce dernier ne représente que 0,7 % de l’uranium naturel, ce qui impose un enrichissement préalable et limite les ressources disponibles. De plus, ces réacteurs produisent des déchets radioactifs de longue durée de vie qui sont vitrifiés et entreposés à l’exception du plutonium. En réponse à ces enjeux, les RSF offrent une alternative prometteuse.
Contrairement aux réacteurs à combustible solide, les RSF utilisent un combustible liquide, un sel fondu dans lequel le matériau fissile est dissous. Ce principe permet une gestion plus flexible du combustible et facilite le retraitement des déchets. De plus, les RSF peuvent fonctionner avec différents combustibles, dont l’uranium, le thorium ou même du plutonium et certaines des matières classées actuellement comme déchets nucléaires issus d’autres réacteurs.
Un concept aux multiples atouts
Les travaux menés au LPSC par l’équipe dirigée par Elsa Merle, enseignante-chercheure à Grenoble INP - Phelma, UGA, se concentrent sur les RSF à neutrons rapides, qui offrent des avantages déterminants. Contrairement aux réacteurs à neutrons thermiques classiques, ces réacteurs permettent de mieux exploiter le combustible tout en réduisant la production de déchets à très longue durée de vie. « Le plutonium et autres actinides produits dans les réacteurs actuels peuvent être réintroduits dans le circuit et brûlés, transformant des déchets problématiques sur des centaines de milliers d’années en résidus bien plus faciles à gérer, » explique l’équipe de scientifiques.
Autre atout majeur : la sûreté intrinsèque des RSF. « En cas de problème, le combustible liquide peut être redirigé vers des réservoirs de stockage où il se refroidit passivement, éliminant ainsi le risque de fusion du cœur ou de toute autre réaction énergétique qui pourrait endommager les structures et donc mener au relâchement de radioactivité à l’extérieur du site. Cette conception réduit drastiquement les besoins en systèmes de sûreté complexes et limite les risques d’accidents graves. »
Une recherche au cœur des enjeux énergétiques
L’équipe du LPSC mène des travaux de modélisation et de simulation avancés pour étudier le comportement des RSF à différentes échelles : du comportement des neutrons dans le cœur du réacteur aux scénarios d’intégration dans un parc énergétique global. « Nous nous intéressons notamment à la régénération du combustible fissile, un paramètre clé pour assurer la viabilité à long terme de l’énergie nucléaire. De même nous démontrons la grande capacité de flexibilité de ce type de réacteurs, indispensables dans un mix énergétique incluant une plus large d’énergies renouvelables ».
Dans un contexte où la demande énergétique mondiale est fortement croissante et où les énergies fossiles doivent être éradiquées , les RSF apparaissent comme une solution durable. Leur capacité à produire plus de matière fissile qu’ils n’en consomment permettrait de pallier la raréfaction de l’uranium fissile naturel et de répondre aux besoins énergétiques croissants, tout en réduisant le nombre d’accidents potentiels grâce à leur sûreté accrue.
Un rayonnement international
Longtemps parmi les seuls à travailler sur ce sujet, les chercheurs du LPSC ont vu leur expertise reconnue à l’international. Dès 2008, ils ont été les premiers à proposer un concept de RSF à neutrons rapides au sein du Forum International Génération IV. Depuis, les initiatives se multiplient : la Chine a lancé un programme expérimental en 2013, tandis que de nombreuses start-up dans le monde entier y compris en France investissent dans le développement de petits réacteurs modulaires basés sur cette technologie.
Le laboratoire participe à de nombreux projets collaboratifs, impliquant des industriels comme Framatome et Corys, ORANO, NAAREA et EDF, ainsi que des consortiums européens et au sein de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA). Il contribue aussi à la formation d’ingénieurs spécialisés, garantissant ainsi la transmission des compétences et la pérennité des recherches dans ce domaine stratégique.
Une collaboration étroite avec l'industrie et le monde académique
Les recherches du LPSC s’appuient sur un réseau de collaborations avec des industriels et des institutions académiques. Le laboratoire travaille étroitement avec des partenaires comme le laboratoire IJCLab à Orsay, Framatome, Orano et le CEA, afin de lever les verrous technologiques liés à la conception des RSF, notamment en matière de corrosion des matériaux et de traitement du combustible.
Le LPSC est également impliqué dans plusieurs projets européens et collabore avec des laboratoires de recherche internationaux pour affiner la compréhension des phénomènes physiques et chimiques en jeu dans les RSF. À travers ces partenariats, l’équipe contribue activement aux avancées scientifiques et au développement de technologies pouvant être intégrées dans les futures générations de réacteurs nucléaires.
Grâce à ces avancées, les RSF pourraient jouer un rôle clé dans la transition énergétique mondiale, en offrant une source d’énergie abondante, flexible et sûre, capable de répondre aux défis du XXIe siècle.
*CNRS / UGA / Grenoble INP - UGA
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