Longtemps considérée comme une technologie mature, l’hydroélectricité connaît un regain d’intérêt. En France, les grands sites sont déjà équipés et les barrages sont déjà largement exploités. La marge de développement se joue désormais à plus petite échelle, avec les microcentrales. Installées sur des cours d’eau à faible débit, elles permettent de produire localement de l’électricité, sans infrastructures lourdes pour la production et le transport. Mais elles imposent de nouvelles contraintes techniques : faibles débits, chutes d’eau limitées, conditions de fonctionnement très variables.
Les équipes du LEGI* et du CREMHygG** conçoivent pour cela des turbines sur mesure, optimisées à la fois par simulation numérique et par essais physiques en laboratoire. L’objectif : maintenir un rendement énergétique élevé malgré des paramètres fluctuants, tout en réduisant les pertes en ligne et en renforçant la résilience des réseaux.
Des infrastructures plus souples et plus sûres
Au-delà des microcentrales, la recherche s’intéresse aussi à l’adaptation des grandes installations aux exigences du mix énergétique. Avec l’essor du solaire et de l’éolien, les centrales hydroélectriques sont de plus en plus sollicitées pour compenser l’intermittence. « Avant, une turbine démarrait une fois par jour. Aujourd’hui, elle peut être sollicitée une dizaine de fois, explique Frédéric Dufour, chercheur au laboratoire 3SR*. Ces démarrages fréquents, en dehors du régime optimal, obligent à concevoir des turbines plus flexibles. » Les chercheurs travaillent sur la forme des pales, le nombre d’ailettes, l’architecture des moteurs pour garantir un bon rendement sur une large plage de fonctionnement.
Parallèlement, la sureté des ouvrages devient un enjeu de plus en plus sensible pour un parc vieillissant, notamment face aux risques sismiques ou liés au nouveau régime de crues. Le laboratoire 3SR développe des modèles numériques sophistiqués pour simuler le comportement des barrages dans des situations extrêmes. Des campagnes de mesures sont menées, notamment dans le cadre de la chaire industrielle Pereniti, qui a permis l’instrumentation du barrage de Saint-Guérin. Parmi les innovations étudiées figure l’installation de "hausses fusibles" conçues pour augmenter la capacité de rétention de l’eau, tout en assurant la sureté de l’ouvrage.
Vers une hydroélectricité intelligente
L’hybridation des sources d’énergie ouvre également de nouvelles perspectives. Le G2Elab* explore le couplage entre hydroélectricité et photovoltaïque. Sur les plans d’eau artificiels, des panneaux solaires flottants permettent de produire de l’électricité pendant la journée, tandis que l’eau est stockée pour être turbinée la nuit. Cette logique de complémentarité atteint le stade de l’industrialisation, notamment sur le site du Cheylas, dans les Alpes, où une station de transfert d’énergie par pompage (STEP) d’EDF est en cours de conception pour être équipée d’un parc photovoltaïque flottant.
Enfin, les technologies numériques transforment la maintenance des ouvrages. En lien avec le GIPSA-lab*, des chercheurs développent des outils d’analyse prédictive grâce aux données collectées par capteurs (pression, température, fuites, vibrations...). L’intelligence artificielle permet d’identifier les signaux faibles de dégradation avant que les dommages ne surviennent. Parallèlement des approches fiabilistes sont développées dans le cadre de la chaire Medelia (Spretec, filiale d’Artelia), qui s’intéresse à la tenue mécanique des grandes structures métalliques, notamment des portes d’écluses de la Compagnie Nationale du Rhône.
Au croisement du génie civil, de la mécanique des fluides, de l’électronique de puissance et de la science des données, l’hydroélectricité continue d’innover. Bien ancrée dans l’histoire, elle se tourne désormais vers un avenir résolument durable et connecté.
*CNRS / UGA / Grenoble – INP, UGA
**CREMHyG - Le Centre de Recherche et d'Essais de Machines Hydrauliques de Grenoble