Grenoble INP Rubrique Recherche 2022

Domaine d’exploitation dans le contrat de collaboration de recherche


Un contrat de collaboration de recherche a pour objectif d’encadrer un projet commun de recherche entre au moins un partenaire privé et un laboratoire d’un établissement public de recherche, en vue de l’obtention de résultats communs. Ces résultats sont généralement détenus en copropriété entre les parties avec une exclusivité qui peut être accordée au(x) partenaire(s) industriel(s) dans le domaine d’exploitation défini dans le contrat de collaboration.

L’article a pour objectif de répondre aux questions qui se posent sur le domaine d’exploitation, notamment de (i) le définir et comprendre sa différence avec le domaine de recherche mis en jeu dans le contrat, (ii) d’expliquer l’intérêt de limiter le domaine d’exploitation (iii) de détailler les conditions dans lesquelles il est possible de travailler avec plusieurs partenaires dans un domaine de recherche identique en respectant les domaines d’exploitation accordés à chacun, et enfin (iv) de mettre en lumière l’intérêt de restreindre au maximum le domaine d’exploitation en définissant un produit d’exploitation.
 


Qu’est-ce qu’un domaine d’exploitation ? 


Le domaine d’exploitation est le périmètre industriel et commercial dans lequel l’entreprise souhaite exploiter les résultats du projet de recherche. Ce dernier doit être restreint afin de correspondre au mieux au domaine dans lequel l’entreprise exploite les résultats du projet de recherche.

Il se distingue du domaine de recherche qui correspond au domaine dans lequel le chercheur ou l’enseignant chercheur a son expertise.

Prenons l’exemple d’une collaboration de recherche dans le domaine de recherche de la modélisation et de la simulation pour la fabrication additive. Ce domaine de recherche est large et regroupe toute l’expertise du chercheur. Aussi, dans le contrat de recherche, le « domaine d’exploitation » accordé à l’entreprise doit se limiter à la thématique de l’étude détaillée dans le contrat de recherche, comme par exemple « la conception par fabrication additive de pièces comprises entre 2 et 12cm pour l’aviation civile ». L’objectif est de cibler le domaine de l’entreprise (ici l’aviation civile) et plus précisément, la thématique spécifique de recherche (ici les pièces comprises entre 2 et 12cm).


 
Domaine d'exploitation : fabrication additive
 



Pourquoi limiter le domaine d’exploitation ? 


Souvent, lors de la négociation du contrat de collaboration, le partenaire industriel bénéficie d’une exclusivité de l’utilisation des résultats de l’étude dans le domaine d’exploitation indiqué dans l’accord. Cela signifie que le partenaire est le seul à pouvoir exploiter les résultats issus de la recherche dans ce domaine. Ainsi, l’établissement public ne pourra plus concéder des droits d’exploitation desdits résultats à des tiers dans ce domaine, que ce soit dans d’autres contrats de recherche partenariaux ou dans tous projets collaboratifs (e.g. Horizon Europe, ANR ou Région). Pour cette raison, il est primordial de délimiter le domaine d’exploitation : plus il est précis et restreint, plus il est possible de multiplier les collaborations en parallèle dans un même domaine de recherche. En effet, en dehors du domaine d’exploitation accordé au partenaire, l’établissement est libre d’utiliser les résultats issus de la collaboration.



Est-il possible de travailler avec plusieurs partenaires sur un domaine de recherche ou dans un domaine d’exploitation identique ?


Il est possible de travailler avec plusieurs partenaires dans son « domaine de recherche ». En revanche, il faut porter une attention particulière dans chaque contrat de collaboration dans lequel une exclusivité sur les résultats peut être concédée dans un domaine d’exploitation défini, car il n’est pas possible de concéder la même exclusivité d’exploitation à deux partenaires différents. Aussi, si une exclusivité dans un domaine d’exploitation est déjà concédée à un tiers, il faudra s’assurer, lors d’un futur montage avec un nouveau partenaire dans le même domaine de recherche, de définir un domaine d’exploitation qui ne chevauche pas celui du premier projet. 

Dans le contrat de collaboration, 2 typologies de résultats vont être distinguées. D’une part les connaissances non issues de l’étude, c’est à dire les résultats portant sur l’objet de l’étude mais non issus des travaux exécutés dans le cadre du contrat. Ces connaissances restent la propriété de la partie qui les a obtenus. Notamment si le laboratoire détient du savoir-faire, celui-ci reste la propriété de l’établissement public : le partenaire ne reçoit aucun droit du fait du contrat. Ces résultats pourront donc être utilisés librement par les parties qui les détiennent (comme par exemple les réutiliser dans d’autres projets). D’autre part les résultats issus de l’étude qui appartiennent classiquement conjointement aux parties et pour lesquels le partenaire peut avoir un droit d’exploitation exclusive dans le domaine d’exploitation.

Deux types de résultats issus de l’étude doivent faire l’objet d’une attention particulière parce que classiquement détenus en copropriété et ne doivent pas être utilisés pour un autre projet de recherche ou de valorisation sans l’accord écrit des parties : 
  • les résultats qui sont spécifiques au projet (par exemple les résultats de tests sur les données du partenaire),
  • les livrables du projet. 
Les résultats communs du projet peuvent être potentiellement protégeables par de la propriété intellectuelle (par exemple par brevet, logiciel, base de données etc.) ou par le secret des affaires. 

Les parties peuvent décider que certains résultats communs du projet ne feront pas l’objet d’une protection par de la propriété intellectuelle ou de mise au secret (par exemple, des résultats génériques immédiatement déversés dans le domaine public pour l’accroissement des connaissances). Ces résultats pourront être librement utilisés par les parties et plus généralement par tout tiers.

Exemple 1. Sur l’exemple de la fabrication additive, le contrat de collaboration avec un Partenaire A prévoit l’exclusivité des résultats au Partenaire A dans le domaine de « la conception par fabrication additive de pièces comprises entre 2 et 12cm pour l’aviation civile ». Il serait alors possible de travailler avec d’autres entreprises dans le domaine de la fabrication additive mais dans d’autres domaines d’exploitation, comme par exemple « la conception par fabrication additive de pièces comprises en deçà de 2cm ou au-delà de 12cm pour l’aviation civile » ou encore « la conception par fabrication additive de pièces comprises entre 2 et 12cm pour l’automobile » (i.e. hors du domaine de l’aviation civile).
 
 
Domaine d'exploitation : exemple 1

Exemple 2. Prenons l’exemple d’un programme de recherche qui concerne « la détection par imagerie hyperspectrale de produits contaminés sur une chaine de production ». Dans le cadre de ce projet, le partenaire industriel collabore avec le laboratoire pour détecter rapidement les produits défectueux sur sa chaine de production dans le domaine de l’alimentation. Dans le cadre de cette collaboration, le laboratoire développe un logiciel générique de détection qui pourrait s’appliquer dans d’autres domaines d’exploitation (e.g. pharmaceutique, contrefaçon, agroalimentaire, agriculture etc.). Il faut donc veiller à encadrer le « domaine d’exploitation » de la collaboration afin de ne pas bloquer les partenariats avec des industriels d’autres domaines. Il faut ainsi éviter un domaine trop large comme « la détection de produits défectueux » ou encore « la détection de produits défectueux sur une chaine de production » car cela empêcherait le laboratoire d’utiliser son logiciel dans d’autres domaines industriels. Il faudrait par exemple circonscrire le « domaine d’exploitation » à « la détection de produits laitiers non conformes sur une chaine de production ». Ainsi, le laboratoire pourra travailler sans restriction sur la détection en utilisant son logiciel générique dans d’autres domaines que le domaine des produits laitiers. 



Définir une exclusivité sur un produit dans le domaine d’exploitation


Dans le cas où le programme de recherche porte sur une thématique très appliquée au besoin d’un partenaire industriel en particulier sur un de ses produits, il est possible de restreindre le domaine d’exploitation audit « Produit d’exploitation ». Cette limitation s’ajoute à celle déjà imposée par le « domaine d’exploitation » mentionné précédemment.

Reprenons l’exemple du projet de recherche qui porte sur la détection par imagerie hyperspectrale de produits contaminés sur une chaine de production. Après avoir limité le domaine d’exploitation à « la détection de produits laitiers non conformes sur une chaine de production », l’idéal est ensuite de circonscrire au produit concerné par le projet de recherche. Par exemple, concéder une exclusivité dans le domaine des produits laitiers sur le produit « Pavé Dauphinois ». Ainsi, le laboratoire est libre de travailler avec d’autres industriels y compris dans le domaine des produits laitiers dès lors que les produits sont différents. La restriction au produit permet d’élargir les possibilités de collaboration avec d’autres partenaires sur un même domaine d’exploitation (dans l’exemple la détection de produits laitiers non conformes sur une chaine de production) mais pour des produits laitiers différents (comme par exemple le « Comté »).

 
Domaine d'exploitation : exemple 2



Article rédigé par Violaine Bigot avec la collaboration d’Audrey Ringeval et Isabelle Chéry