Yves Bréchet reçoit le prix Robert Cahn 2022

A 61 ans, Yves Bréchet, directeur scientifique de Saint-Gobain, vient de se voir attribuer le Prix Robert Cahn, qui récompense l’intégralité de sa carrière, consacrée aux matériaux.
Le prix Robert Cahn, remis en octobre 2022 à Yves Bréchet, récompense non seulement un scientifique exceptionnel dans le domaine des matériaux, mais aussi un visionnaire capable de faire tomber les barrières entre les disciplines et les personnes.
Polytechnicien et titulaire d’un doctorat de Grenoble INP - UGA obtenu en 1987, Yves Bréchet commence sa carrière de chercheur par un post-doctorat à l'Université McMaster au Canada, où il a travaillé avec des scientifiques de renommée internationale, sur des problèmes de diffusion et de recristallisation dans les matériaux.
Actuellement professeur associé dans les universités de Monash (Australie) et de McMaster (Canada), où il passe un mois chaque année, Yves Bréchet a précédemment été haut-commissaire à l'énergie atomique au CEA de 2012 à 2018, et professeur à Grenoble INP – UGA de 1988 à 2012. Il a dirigé plus de 80 thèses et publié plus de 600 articles scientifiques. Sa capacité à faire le pont entre la recherche fondamentale et les problèmes industriels s’est illustrée durant ses années de service en tant que membre du conseil scientifique de la société internationale de fabrication d'acier ArcelorMittal, et en tant que conseiller scientifique auprès d'autres grandes entreprises telles que Rio Tinto Alcan, EDF et ONERA. Il est actuellement directeur scientifique de Saint Gobain et président du conseil scientifique de Framatome.

Une carrière consacrée aux matériaux
Les matériaux, et plus précisément les matériaux architecturés, constituent le fil conducteur de sa carrière. « Un matériau architecturé est le résultat du couplage d’un matériau et d’un procédé, et de la manière dont est répartie la matière dans le composant que l’on réalise, résume le chercheur. En associant des matériaux, des procédés et des architectures, il est possible de répondre à des cahiers des charges complexes. » Yves Bréchet est également connu pour avoir utilisé les méthodes de modélisation pour investiguer cet immense champ des possibles que représentent les matériaux architecturés, et qu’il était impossible d’explorer par l’expérimentation.
Durant son passage à Grenoble INP - UGA, Yves Bréchet a été l’initiateur d’un énorme travail d’équipe autour des matériaux architecturés, qui a abouti à la création du Labex CEMAM en 2011. « Un matériau, c’est de la matière avec une fonction, ce qui crée des relations privilégiées entre la science des matériaux, et les industries fabriquant ou utilisant des matériaux, indiquait Yves Bréchet à propos du Labex dans une récente allocution. L’industrie n’est pas simplement un bailleur de fond, elle est une source de questions scientifiques profondes. La science n’est pas seulement accroissement du savoir, elle est aussi une méthode de résolution des problèmes. Et parmi ces problèmes, la question essentielle des matériaux multifonctionnels contrôlés par les microstructures à toutes les échelles, ce que nous avons baptisé ‘Matériaux Architectures Multifonctionnels’, c’est le MAM de CEMAM, est particulièrement fédératrice. »
En tant que président du conseil scientifique de Framatome et directeur scientifique de Saint-Gobain, il continue à se pencher sur des problématiques industrielles. « Dans le domaine nucléaire comme dans les autres domaines d’ingénierie, les matériaux ont un rôle primordial à jouer : ils contribuent à transformer le rêve en réalité. Car on peut faire tous les rêves que l’on veut, si l’on n’a pas les bons matériaux, cela peut virer au cauchemar ! La fusion nucléaire par exemple, c’est très beau sur le papier, mais il faudra des matériaux adaptés pour qu’elle devienne possible ! »
Adressant un message aux étudiants et étudiantes, il rappelle que le métier d’ingénieur est extraordinairement noble, qu’il permet de créer de la richesse et de construire l’avenir. « Les jeunes doivent appréhender le monde vers lequel nous nous dirigeons, avec les difficultés qu’il présente. Leur responsabilité est de mettre en œuvre des solutions. J’ai profondément confiance en eux : ils sont capables de le faire, à condition qu’ils aient le courage de prendre les choses en mains ! »
La retraite ? Il n’y pense pas. Pas encore. Ou alors peut-être, mais au-delà de 90 ans !