Rayonnements cosmiques : une menace pour les circuits

En raison de leur miniaturisation, les composants électroniques sont de plus en plus sensibles aux rayonnements cosmiques. Du spatial à l’automobile, tous les secteurs sont concernés.

Rayonnements cosmiques et autres éruptions solaires génèrent un cocktail d’ions lourds, de protons et d’électrons. Ces particules chargées peuvent provoquer des courts-circuits, changer l’état des bits dans les mémoires et générer des pertes de données, voire détruire des composants électroniques. « Cette menace est étudiée au laboratoire depuis plus de quarante ans, mais elle devient de plus en plus aiguë », souligne Raoul Velazco, ancien chercheur au TIMA*. De fait, la miniaturisation des composants électroniques les rend plus sensibles aux effets de particules chargées capables de les traverser : des neutrons issus des interactions des rayons cosmiques avec l’atmosphère peuvent produire au niveau du sol le même type de dysfonctionnements que ceux observés dans l’espace. « Compte tenu de la multiplication du nombre de composants électroniques dans notre quotidien, en particulier dans les voitures, la probabilité d’incidents liés à des particules chargées n’est plus du tout négligeable », prévient le scientifique.

Premiers confrontés aux conséquences des rayons cosmiques, les acteur·rice·s du spatial ont vite adopté des solutions de protection. Ainsi, la NASA (National Aeronautics and Space Administration) a développé un système basé sur le triplement des fonctions grâce aux FPGA (Field Programmable Gate Array) reprogrammables. Le principe consiste à implémenter trois fois une application en triplant les circuits. Cette approche, baptisée Triple Modular Redondancy (TMR), est environ 30 fois moins coûteuse que l’utilisation de circuits certifiés contre les radiations, et est aujourd’hui largement utilisée.

Erruption solaire Le TIMA, pionnier des tests sous radiations

L’équipe de Raoul Velazco, qui avait réalisé les premiers tests français aux Etats-Unis au LBNL** où se trouvait le premier accélérateur d’ions lourds dans les années 1980, a par la suite lancé deux activités de recherche très originales dans ce domaine au TIMA**. « Nous avons développé une méthode qui consiste à injecter volontairement des fautes dans le circuit, c’est-à-dire à provoquer la modification d’un bit, et à calculer la probabilité que cela ait des conséquences sur le fonctionnement du circuit, indique Raoul Velazco. Ainsi, le changement peut ne rien provoquer du tout, ou provoquer une erreur dans les données de sorties, voire un arrêt du circuit. Parallèlement, nous avons mis en place des tests sous radiations permettant de calculer combien de particules sont nécessaires en moyenne pour qu’un bit change. »

En combinant les deux approches, les chercheur·e·s ont mis au point une méthode de certification de la tolérance des circuits aux radiations qui a été brevetée au début des années 2000. Celle-ci a été validée expérimentalement en comparant les prédictions aux mesures réelles, obtenues sur les équipements scientifiques de pointe dont dispose le site grenoblois : l’accélérateur de neutrons de basses énergies du LPSC, celui de l’ILL, et les nouveaux accélérateurs d’ions lourds.

Les limites de la TMR

Grâce à cette méthode, l’équipe de Raoul Velazco a pu montrer les limites de la TMR dans un article qui a attiré l’attention de la NASA. « Intriguée par nos résultats, la NASA nous a proposé de les valider dans l’espace, en embarquant une expérience dans un satellite, se souvient le chercheur émérite. Le satellite LWS (Living With a Star), dont le but est d’étudier l’activité du soleil et qui devait partir en 2009, a finalement décollé en 2019. Nous sommes en train d’exploiter les résultats de nos tests, qui confirment l’existence d’erreurs dans les circuits de type FPGA malgré la TMR et seront bientôt publiés. »

Face à ce constat, des mesures doivent être prises. Car avec l’évolution des technologies, l’explosion de l’IoT (internet des objets), les risques de voir se produire des incidents au niveau mondial n’est pas négligeable. « Cela sera encore plus vrai lorsque seront déployés les circuits quantiques, dont le principe repose sur l'équilibre subtil des qubits », s’inquiète Raoul Velazco, dont l’équipe avait été l’une des premières à mettre en place une plate-forme de tests au sol. Le prochain grand projet du chercheur serait d’ailleurs de réaliser les premiers tests sous radiations au sol sur des circuits quantiques. A condition d’obtenir un prototype, ce qui est loin d’être évident…

*CNRS, Grenoble INP – UGA, UGA
**Lawrence Berkeley National Laboratory (Berkeley, Californie)
Crédit photo : NASA