Le mystère des gènes sauteurs enfin élucidé ?

Une expérience biologique au long cours étudie les effets de la présence de séquences génétiques mobiles dans les génomes de bactéries, sur l’évolution de ces dernières. Les résultats de cette étude ont été publiés dans la revue Nature Communications.
C’est sans doute l’une des expériences les plus longues de l’histoire de la biologie… Amorcée en 1988, elle est toujours en cours. L’expérience se penche sur l’étude des effets à long terme de la présence de séquences d’insertion (IS) dans les génomes de bactéries. Ces IS sont des éléments génétiques mobiles susceptibles de se dupliquer et de « sauter » d’un emplacement à un autre dans le génome, provoquant ainsi des modifications de gènes. Ces dernières sont-elles bénéfiques ou au contraire délétères ? Au sein de la communauté, les deux hypothèses sont émises.

Pour en avoir le cœur net, les scientifiques ont eu l’idée de cultiver douze populations bactériennes à partir d’un ancêtre commun, dans un environnement constant depuis 1988. Depuis le début de l’expérience, plus de 70 000 générations se sont ainsi succédé, soit l’équivalent de deux millions d’années d’évolution à l’échelle humaine. « Des échantillons de chacune des douze populations ont été prélevés toutes les 500 générations et sont conservés à - 80°C, tout comme l’ancêtre de l’expérience, explique Dominique Schneider, enseignant-chercheur UGA au laboratoire TIMC*. Ces archives fossiles complètes peuvent ensuite être revivifiées pour être étudiées. »
 

Un rôle dans l’évolution des espèces


Ainsi, le séquençage de ces génomes fossiles a permis de cartographier les éléments mobiles chez les populations bactériennes depuis le début de l’expérience, jusqu’à maintenant. Il a permis de montrer que les deux hypothèses de départ co-existent, à des échelles de temps différentes. « Au début, certaines mutations liées à ces éléments sont avantageuses, les individus présentant ces insertions ‘avantageuses’ prenant le dessus sur les autres, et le nombre de copies des éléments mobiles dans les génomes des bactéries augmente. Mais sur le long terme, lorsque les bactéries sont bien adaptées à leur milieu, toute nouvelle insertion a tendance à devenir plus gênante que bénéfique. Et le nombre de copies d’IS finit donc par stagner. »

Finalement, cette expérience suggère que les séquences génétiques mobiles, également présentes dans les génomes végétaux et animaux et donc chez l’humain, contribuent à l’évolution des espèces. Mais une fois les individus bien adaptés à leur milieu, les mutations liées à ces éléments ne sont plus sélectionnées, pour laisser la place à des mutations ponctuelles, aux effets plus subtils. « La nature est bien faite, et l’évolution ne revient jamais en arrière. »

* CNRS / UGA / Grenoble INP-UGA