Gouvernance dans les contrats de recherche collaborative

Cet article traite de la gouvernance dans le cadre de projets de recherche collaborative, qu’elle soit institutionnelle (c’est-à-dire subventionnée par l’Europe, l’Agence Nationale de la Recherche (ANR), la Région, etc. sur classiquement des appels à projets) ou industrielle (c’est-à-dire financée par des entreprises, classiquement en bilatéral).
De façon générale, la gouvernance d’un projet est l’organisation convenue entre les parties prenantes pour pouvoir prendre des décisions relatives au projet. La mise en place d’un système de gouvernance dans un projet de recherche est primordiale afin d’en assurer le suivi et la bonne exécution.

Les modalités de gouvernance sont fixées dans le contrat qui lie les partenaires. Celles-ci concernent la désignation de l’organe de gouvernance, sa composition, ses missions et les règles relatives au vote. La gouvernance peut être opérée par différents comités comme « Comité de direction », « Comité de Pilotage », « Comité de Suivi », « Correspondants scientifiques et techniques », etc. Tous ces termes renvoient à la notion de gouvernance. Pour simplifier, nous ferons référence dans cet article au terme général de « Comité » pour parler de l’organe de gouvernance.
 

Comment est composé un Comité ?


En général, un Comité est composé d’un membre par partenaire afin d’assurer l’équilibre entre les parties prenantes. Cependant, les partenaires d’un projet sont libres d’en décider autrement et d’acter une composition différente.
 

Quel est le rôle du Comité ?


Le rôle du Comité est de suivre l'exécution du projet. Il veille à son bon avancement et au respect des échéances. Il peut prendre acte de modifications des connaissances propres et suivre l’évolution des résultats du projet. A ce titre, il peut discuter de la pertinence de protéger les résultats par un titre de propriété intellectuelle ou par du savoir-faire. En cas de difficulté dans l’exécution, il peut proposer des solutions alternatives, réviser le calendrier et le budget. Il peut même exclure un partenaire ou, à l’inverse, en intégrer de nouveaux.

Attention, en pratique, dans la plupart des cas, les membres du Comité n’ont pas la capacité juridique d’engager leur employeur. Aussi, le Comité émettra en réalité un avis et ce sont les entités légales qui décideront in fine. C’est le cas par exemple pour les stratégies de propriété intellectuelle ou pour le budget. Aussi, toutes les propositions du Comité devront être validées par les entités juridiques des partenaires et, certaines même, par les financeurs, comme par exemple la sortie ou l’entrée d’un partenaire dans le projet ou les modifications budgétaires. Toutes les décisions qui viennent modifier le contrat de collaboration seront entérinées par la signature d’un avenant au contrat.

En plus des prises de décisions, le Comité est une instance privilégiée de dialogue entre les partenaires. C’est un lieu d’échange d’informations, qu'elles soient de nature technique, scientifique ou commerciale. C’est aussi un lieu de concertation en cas de difficultés ou de litiges.
 

Modalités de prise de décisions : quorum et règles de vote


Les modalités de prises de décisions sont établies en concertation avec les partenaires et inscrites dans le contrat de collaboration. Ainsi, les partenaires peuvent décider de mettre en place un quorum pour la prise de décision. Le quorum correspond au seuil minimum de partenaires qui doivent être présents pour valablement siéger. Cela évite une prise de décision pour laquelle un nombre insuffisant de partenaires s’exprimerait. Si les partenaires souhaitent mettre en place un quorum, ils doivent s’entendre sur le seuil, par exemple 2/3 des partenaires, ¾ des établissements publics ou 5/6 des partenaires industriels, etc. Si le quorum n’est pas atteint, la décision est reportée. Les partenaires devront se réunir de nouveau.

Les modalités de prise de décisions doivent également être définies : à l’unanimité, à la majorité simple ou à la majorité qualifiée.
  • Une décision prise à l’unanimité signifie que la proposition est validée si tous les membres présents ou représentés (par une procuration) sont favorables à la proposition. La règle de l’unanimité offre donc un droit de veto à chaque membre.
  • La majorité simple signifie qu’une proposition est adoptée dès lors que plus de la moitié des participants présents ou représentés (par une procuration) est favorable à la proposition.
  • La majorité qualifiée est une majorité selon un seuil fixé dans l’accord de collaboration. Le seuil pourrait être par exemple 2/3, ¾ ou 4/5 des présents ou représentés. La détermination du seuil se fait au cas par cas en fonction du projet.
Il est aussi possible de prévoir pour un même projet des modalités mixtes selon l’objet du vote. Par exemple, les partenaires peuvent s’accorder sur un vote à la majorité simple pour les décisions courantes et sur un vote à l’unanimité pour inclure ou exclure des partenaires.
 

Les schémas de gouvernance par type de projet


Il existe une multitude de schémas de gouvernance possibles en fonction des spécificités du projet. Toutefois certains sont standardisés.
  • Dans les projets industriels, l’organe de gouvernance est souvent composé de l’encadrant de thèse académique et d’un représentant de l’entreprise. Classiquement, il faut que les deux représentants soient présents et qu’ils prennent les décisions conjointement, c’est-à-dire à l’unanimité.
  • Dans les projets institutionnels de type ANR, l’organe de gouvernance est généralement composé d’un représentant par partenaire. Par dérogation, lorsqu’un laboratoire a plusieurs tutelles, une seule personne du laboratoire siège, et non pas un représentant par tutelle. Les décisions sont prises à la majorité simple, majorité qualifiée ou à l’unanimité selon la taille du consortium. L’accord de consortium indique le quorum nécessaire pour que l’organe de gouvernance puisse valablement siéger. Par ailleurs, le Comité est présidé par le coordinateur du projet.
  • Dans les projets institutionnels Européens de type Horizon Europe, il y a souvent plusieurs organes de gouvernance dont une Assemblée Générale (« General Assembly ») et un comité exécutif (« Executive Board » ou « Steering committee »). L’« Executive Board » est l’organe en charge de l’exécution régulière du projet. Il n’est pas nécessairement composé d’un membre par partenaire : il est souvent plus réduit. Par exemple, dans un projet Européen d’une vingtaine de partenaires, l’« Executive Board » peut se limiter à 5 membres. L’« Executive Board » rend des comptes devant la « General Assembly » qui est composée d’un membre par partenaire et qui est l’organe de décision ultime. Le modèle de consortium Européen (le « DESCA Model ») prévoit des conditions de vote standards mais il est aussi possible d’opter pour d’autres modalités dans l’accord de consortium signé entre les partenaires du projet. Le DESCA Model prévoit un quorum de 2/3 des partenaires qui doivent être présents dans les Comités pour délibérer. Les décisions des assemblées sont prises à la majorité qualifiée des 2/3. Cependant chaque partenaire dispose d’un droit de véto s’il peut montrer que la décision porte atteinte à ses intérêts légitimes, droit de propriété intellectuelle ou coûts. Il pourra alors s’opposer à la proposition.

En conséquence, une attention particulière doit être portée à la rédaction des accords de consortium. Une vigilance doit aussi être gardée pendant toute la durée du projet sur la légitimité du représentant de l’établissement pour valider les propositions et engager l’établissement.