Photovoltaïque : contrôler la structure du silicium

Grâce à une thèse financée par le BQR 2007, Thierry Duffar, professeur Grenoble INP – Phelma et chercheur au SIMAP, a expliqué, avec son équipe, l’origine des défauts cristallins des plaques de silicium utilisées dans les panneaux photovoltaïques.
Pour comprendre vos travaux, pouvez-vous nous expliquer comment sont produites les plaques de silicium photovoltaïques ?

Thierry Duffar :
Le silicium est fondu en creuset, puis solidifié. L'industriel obtient ainsi des lingots de silicium, lesquels sont découpés en briques, puis en plaquettes. Le problème, c'est qu'à la solidification apparaissent des structures cristallines qui diminuent les performances énergétiques du matériau. Ainsi, le phénomène de maclage produit des asymétries laissant apparaître des bandes qui ont tendance à se multiplier et qui peuvent devenir gênantes si elles deviennent trop nombreuses.
Plus embêtant encore : les Grits. Ce sont des zones constituées de tous petits grains qui ont des propriétés photovoltaïques catastrophiques, et perturbent l'usinage des plaques, entrainant des pertes de matière. Pour comprendre et maîtriser la structure cristalline du silicium, il faut d'une part contrôler le maclage, et d'autre part éviter à tout prix la formation de Grits.

Comment avez-vous procédé ?

T. D. :
Une thèse financée par le BQR 2007 nous a permis d'établir des lois macroscopiques de croissance des grains dans les lingots de silicium photovoltaïques, et de comprendre l'origine des macles et la manière dont elles interviennent dans la structure des grains de silicium photovoltaïque. Ainsi, nous avons mis en évidence que la fréquence d'apparition des macles dépend de plusieurs paramètres : la pureté du silicium, la vitesse de croissance du lingot, et les flux de chaleur mis en œuvre durant la solidification de ce dernier. Reste à comprendre les mécanismes de croissance des germes mâclés, et à construire des modèles de simulation numérique prédisant la structure des grains de lingots en fonction des différents paramètres. C'est l'objet d'un post doctorat financé par Oséo.
Quant aux grits, une thèse financée par la région Rhône-Alpes a permis de comprendre et de quantifier leur apparition. A terme, nous devrions disposer d'un logiciel prenant en compte le phénomène de maclage, la croissance des grains et l'apparition et la taille des grits.

Quelles sont les applications potentielles de ces travaux ?

Thierry Duffar, Professeur Grenoble INP - Phelma, chercheur au laboratoire SIMAP T. D. : L'objectif est d'augmenter l'efficacité de la technologie photovoltaïque. Lorsque l'on évoque ce problème, les gens pensent souvent au rendement énergétique, c'est-à-dire à la capacité des panneaux solaires à convertir l'énergie lumineuse en électricité. A l'heure actuelle, les rendements atteints sont de l'ordre de 15% environ pour un panneau photovoltaïque au silicium. Le rendement maximal théorique du silicium est de 25%, on peut donc gagner de ce point de vue, mais le vrai problème n'est pas là. Ce qui intéresse l'utilisateur au final, c'est le prix du kW. Gagner en rendement amène à fortement augmenter le prix, il est donc préférable de réduire le coût du panneau, à rendement égal. C'est que nous contribuons à faire par nos travaux.
D'un point de vue industriel, nous avons travaillé avec la société Photowatt, qui souhaitait réduire ses pertes de silicium lors de la fabrication des plaquettes. Nos résultats nous ont permis de leur préconiser plusieurs possibilités : ralentir la vitesse de croissance des cristaux, ou utiliser du silicium plus pur. Ces deux options, coûteuses, n'ont pas été retenues par l'industriel. Troisième possibilité : augmenter les flux de chaleur lors de la solidification du matériau, solution qui a été adoptée par Photowatt, avec succès ! Après avoir modifié leurs fours en conséquence, la société a réduit d'un facteur 10 son taux de perte de silicium !