Elections : comment le mode de scrutin influe sur le résultat

Voter, c’est exprimer une préférence individuelle, pour aboutir à une décision collective. Pour la plupart d’entre nous, cela se traduit par le fait de mettre un bulletin dans une urne. Mais peu savent que la « théorie du vote » est une discipline à part entière à l’interface des mathématiques et des sciences sociales. Au Laboratoire d’Informatique de Grenoble (LIG), une petite équipe planche sur ces thématiques.
A partir d’un ensemble de choix possibles, le scrutin permet de sélectionner une option donnée ou d’en proposer un classement reflétant la préférence collective. Les procédures de vote les plus connues sont le scrutin majoritaire à deux tours, la procédure de Condorcet, ou encore celle du vote pondéré de Borda (un peu comme à l’Eurovision). Mais il en existe d’autres.
Sylvain Bouveret, enseignant à Grenoble INP - Ensimag, chercheur au LIG (laboratoire co-piloté par Grenoble INP) et spécialiste de la théorie du vote, étudie les différents modes de scrutin, leur fonctionnement et leurs « effets » sur les résultats. Pour cela, il a notamment développé une application web qui lui permet de comparer les différentes techniques de vote. Il l’a mise en pratique pour les élections de représentants étudiants, et les résultats, exprimés sous forme de statistiques et de graphes, varient en effet selon la méthode choisie (voir ci-dessous).
En outre, il contribue, avec son équipe et en collaboration avec d’autres laboratoires et universités français, à mettre en place une expérience grandeur nature lors des prochaines élections présidentielles de 2017. « Concrètement, le jour du premier tour, d’autres modes de scrutin seront proposés aux électeurs de trois municipalités, dont Grenoble : le vote par note, le vote par approbation et la règle de Borda, explique Sylvain Bouveret. Ces méthodes ont été choisies parce qu’elles sont simples, et permettent aux électeurs de s’exprimer avec plus de nuance que le scrutin majoritaire à deux tours : le scrutin en particulier n’y est pas uninominal, mais permet de soutenir plusieurs candidats simultanément, ou d’en écarter certains. »
Cette expérience vise à mieux comprendre le fonctionnement des institutions démocratiques, à étudier les propriétés des procédures de décision collective ainsi que le comportement des électeurs face aux modes de scrutin.  « En 2002, avec le vote par approbation, Jean-Marie Le Pen n’aurait été que le quatrième homme et avec un pourcentage assez faible, explique Sylvain Bouveret. En 2007, avec les mêmes préférences électorales, le vainqueur des deux scrutins expérimentaux aurait été le ‘troisième homme’, François Bayrou. Bien sûr cela ne signifie pas que ce dernier aurait été élu si le mode de scrutin avait été un vote par approbation ou vote par note, car les politiques auraient adapté leur stratégie de campagne. Mais cela souligne l’importance des modes de scrutin dans les résultats observés. »
Pour autant, il ne faut pas s’attendre à ce que l’expérience permette de définir une méthode de vote optimale, qui permettrait d’élire un candidat qui s’imposerait au peuple français avec l’évidence incontestable d’un calcul mathématique. Car comme le dit le théorème d’Arrow, cette méthode idéale n’existe tout simplement pas.

REJOIGNEZ Le groupe d’utilisateurs de l’application développée par Sylvain Bouveret, afin de faire part de vos retours et de contribuer à la diffusion de la connaissance : http://strokes.imag.fr/whale4/