

Vers des matériaux de plus en plus intelligents
Reconnu en science des matériaux au niveau international, notamment grâce au labex CEMAM sur les matériaux architecturés, Grenoble INP se prépare à surfer sur la vague des matériaux intelligents. L’établissement dispose de nombreux atouts pour relever le défi.
Pour Yves Bréchet, membre de l'Académie des Sciences, professeur à Grenoble INP, chercheur au SIMAP et Haut commissaire à l'énergie atomique, "un matériau, c'est de la matière qui remplit une fonction". Depuis l’origine, les matériaux sont classés essentiellement en deux catégories : les matériaux de structure que l’on utilise pour leurs propriétés mécaniques, et les matériaux fonctionnels, dont on exploite certaines propriétés comme la conductivité par exemple, pour des applications précises. Les matériaux intelligents, pour leur part, sont dotés de capacités d’interaction avec l’extérieur, qui leur permettent de se comporter comme des capteurs, des actionneurs, ou parfois comme des processeurs (pour traiter, comparer, et stocker des informations).
Grenoble INP dans les starting-blocks
Grenoble INP, impliqué dès 2011 dans le labex CEMAM sur les matériaux architecturés, se prépare à relever le défi des matériaux intelligents. En jouant astucieusement sur les assemblages de matériaux et en distribuant judicieusement la matière, les matériaux architecturés satisfont certaines exigences en termes de propriétés multi fonctionnelles parfois antinomiques : propriétés mécaniques (résistant et léger à la fois), acoustiques, thermiques, électromagnétiques.
Mais on peut aller plus loin en ajoutant d’autres fonctions à la matière. Au sein du labex CEMAM, les chercheurs se sont engagés dans une réflexion d’avenir sur cette thématique. "Les possibilités sont multiples, indique Jean-Jacques Blandin, chercheur au SIMAP et enseignant à Grenoble INP – Phelma. Ainsi, il est possible de faire en sorte que les matériaux interagissent directement avec leur environnement. Ils peuvent s’adapter à celui-ci, en réponse à des stimuli thermiques, chimiques ou mécaniques, ou contribuer à le modifier. La nature sait très bien le faire, et la bio-inspiration peut contribuer au développement de nouveaux matériaux architecturés intelligents". Certains travaux ont d’ores et déjà débuté en ce sens comme par exemple l’étude de l’impact de l’état de surface d’une prothèse osseuse pour promouvoir son ostéointégration (voir ci-dessous).
Une autre voie de développement concerne la communication des matériaux avec l’extérieur. "On peut imaginer des matériaux capables d’envoyer des informations d’autodiagnostic interne, prévenant lorsqu’une fissure se propage par exemple". Bien que plus prospectifs, des travaux de fonctionnalisation de matériaux pour rendre possible cette communication (parfois en déposant des capteurs ou des revêtements adaptés), ont ainsi été amorcés dans des laboratoires co-pilotés par Grenoble INP (voir ci-dessous).
De nombreux atouts à valoriser
Outre des outils exceptionnels permettant une fonctionnalisation 3D de la matière (Grenoble INP est par exemple le seul centre universitaire français à maîtriser la technologie EBM – Electron Beam Melting), l’institut dispose de compétences fortes en dépôt de couches minces et en électronique imprimée pour fonctionnaliser les surfaces. "Les procédés d’impression sont de plus en plus utilisés pour créer des dispositifs électroniques, et le papier n’est plus un simple vecteur d’information mais trouve un champ d’application de plus en plus vaste, notamment pour la fabrication d’écrans papier, indique Nadège Reverdy-Bruas, enseignante à Grenoble INP – Pagora, chercheuse au LGP2 et titulaire de la chaire MINT. L’électronique imprimée, alternative à l’électronique classique est particulièrement bien adaptée à la production de masse et à faible coût, de produits flexibles dotés de fonctions simples". Au LGP2, les scientifiques ont d’abord été sollicités pour adapter les procédés d’impression traditionnels au dépôt d’encres "fonctionnelles" sur différents types de substrats (plastique, papier, polymères, tissu…) dans le cadre de projets européens, ANR etc.
De nombreux travaux ont également porté sur la formulation des encres et leur adéquation avec les supports. Parmi les applications possibles : les emballages "intelligents" capables d’interagir avec le public, l’impression de capteurs à faible coût, ou encore des réseaux conducteurs intégrés à un matériau isolant dans lequel on souhaite détecter une fissuration par exemple… Une thèse menée au LGP2 en partenariat avec le papetier Arjowiggins a contribué à développer et breveter un papier dans lequel une antenne RFID est imprimée avec des encres conductrices, et associée à une puce silicium dans laquelle on peut encoder des information. Depuis septembre 2012, un module d’électronique imprimée permet aux étudiants de Grenoble INP – Pagora de se familiariser avec les problématiques et les enjeux de l’électronique imprimée.
En outre, une chaire d’excellence industrielle, portée par la Fondation Partenariale Grenoble INP et soutenue par Schneider Electric, la chaire MINT, a été inaugurée en mars 2016. Elle ambitionne de relever les défis d’intégration de fonctions électroniques dans les boitiers électrotechniques de Schneider Electric de forme tridimensionnelle. Dans ce contexte, la fabrication additive – incluant l’électronique - est au cœur des défis à relever et mettra en œuvre des procédés d’impression directe. Ainsi, Grenoble INP est parfaitement armé pour relever le défi multidisciplinaire des matériaux intelligents. Au-delà de ses compétences reconnues en science des matériaux, l’institut couvre en effet l’ensemble des sciences de l’ingénieur. Les futures avancées dans les matériaux architecturés intelligents devraient contribuer à maintenir ce positionnement international de l’institut et partant, de l’Université Grenoble Alpes.