Susan Krumdieck, Professeure invitée

Rencontre avec Susan Krumdieck

Susan Krumdieck est professeur à l’université de Canterbury en Nouvelle-Zélande. Elle vient de passer deux mois au SIMAP en tant que professeur invité.

Vous travaillez, entre autres, dans le domaine du dépôt chimique en phase vapeur (CVD). Pouvez-vous nous en dire plus ?

Susan Krumdieck : Souvent utilisé dans l'industrie du semi-conducteur pour produire des couches minces, le procédé typique du CVD consiste à exposer un substrat à un ou plusieurs précurseurs en phase gazeuse, lesquels réagissent à la surface du substrat pour générer le dépôt désiré.
Lors de mes recherches, j’ai notamment développé un procédé innovant de dépôt chimique en phase vapeur à partir de précurseurs métalo-organiques sous pression pulsée, ou « pp-MOCVD ». Dans ce procédé, la solution contenant le précurseur n’est pas portée à ébullition avant d’être introduite dans le réacteur à l’aide d’un gaz porteur, mais directement injectée à l’intérieur par des pressions pulsées, après vaporisation par ultrasons.
Sous l’effet du vide, entretenu dans le réacteur à l’aide d’une pompe, la solution se retrouve instantanément diffusée de façon homogène dans tout l’espace de la chambre, et se dépose uniformément sur le substrat. De ce fait, ce procédé peut être utilisé pour revêtir des pièces de formes très complexes. En outre, le résultat n’est pas sensible à la géométrie du réacteur, ni au placement du substrat à l’intérieur de celui-ci.
Enfin, la solution n’étant pas portée à ébullition et les parois du réacteur ne nécessitant pas d’être chauffées pour éviter les dépôts comme c’est le cas dans la version classique de l’OMCVD, on réalise des économies non négligeables d’énergie, mais aussi de matériaux notamment pour les joints ou le réacteur lui-même. On gagne également en frais de maintenance, car cette technique évite les nettoyages trop fréquents des chambres.

Quelles sont les applications visées par cette technique ?

S. K. : Ce nouveau procédé d’OMCVD ouvre de nouvelles perspectives, notamment pour recouvrir des pièces métalliques de forme complexe. Ainsi, nous sommes en train de développer des précurseurs pour des applications dans le domaine des piles à combustible à oxyde solide, pour recouvrir des tiges métalliques destinées à être vissées dans des implants osseux, ou la surface interne de pompes à eau… Avec la société KOTI Technologies, nous développons actuellement un revêtement aux propriétés antimicrobiennes à base de dioxyde de titane (TiO2) pour finaliser des boutons d’ascenseur, des poignées de portes, des robinets, des plaques d’interrupteur et des barrières de lits hospitaliers, afin pour d’éviter la transmission d’infections nosocomiales.

Avez-vous d’autres domaines de recherche ?

S. K. : Oui, je travaille également sur la transition énergétique. Notre modèle de production et de consommation d’énergie a montré ses limites. Nous utilisons trop les énergies fossiles, ce qui entraîne une augmentation des gaz à effet de serre dans l’atmosphère et génère des changements climatiques. Nous devons également trouver des solutions pour réduire notre dépendance énergétique, limiter les pollutions, anticiper la raréfaction des ressources (pétrole, gaz), maintenir des prix acceptables... Réduire notre consommation et produire notre énergie de manière plus durable, voilà les grands enjeux auxquels il faut répondre.
Avec Franck Kreith, nous avons écrit un livre sur le sujet, « Principles of Sustainable Energy Systems », publié en 2013 chez CRC Press.
En outre, mon groupe de recherche conduit des projets sur des problèmes complexes de transition énergétique depuis plus de 10 ans. Nous avons par exemple proposé des solutions pour réduire la consommation de pétrole à des villes, des régions, et des entreprises. En bref, nous avons mis des idées en pratique, et comme pour tous les travaux d’ingénierie, il a fallu dans un premier temps définir correctement le problème afin de développer des solutions à la fois innovantes et économiques.

Est-ce la première fois que vous venez à Grenoble INP ? Qu’y avez-vous trouvé ?

S. K. : C’est la première fois que je viens à Grenoble INP. J’ai été invitée par le professeur Michel Pons, que je connais depuis plus de 15 ans pour l’avoir croisé à plusieurs reprises dans des conférences de la communauté scientifique du dépôt chimique en phase vapeur. J’ai ainsi eu le plaisir d’enseigner la transition énergétique aux étudiants de Phelma et d’étudier ce qui se fait dans le domaine à Grenoble INP. Pendant mon séjour en Europe, j’ai également eu l’occasion d’assister à la préparation d’un meeting sur la transition of the Global Association for Transition Engineering à Londres.
J’ai par ailleurs beaucoup collaboré avec Raphael Boichot, avec qui nous nous sommes penchés sur quelques une des dernières barrières du pp-OMCVP avant l’industrialisation et la commercialisation du procédé. Nous avons également un projet de publication et plusieurs projets scientifiques en commun.