Propriété Intellectuelle

article rédigé par Isabelle Chéry et Jana Darwiche

 
La propriété intellectuelle (PI) est un facteur crucial de l’innovation et de la compétitivité économique. C’est une notion fondamentale, car elle confère à son propriétaire de fortes prérogatives notamment avec le droit d’exploiter ses créations intellectuelles dans le monde socio-économique et d’interdire à d’autres de les exploiter sans son autorisation. Les droits de propriété intellectuelle apportent donc un avantage concurrentiel à celui qui a l’autorisation de l’exploiter. Les droits de PI influencent la plupart de notre quotidien personnel (habitudes de consommation, loisirs, etc.) et professionnel (production industrielle par exemple).

 

I- Qu’entend-on par propriété intellectuelle ?

Les inventions ou créations intellectuelles peuvent conduire à la génération de différents droits exclusifs de propriété intellectuelle. Les droits de propriété intellectuelle sont organisés en deux grands ensembles : d’une part, la propriété industrielle et, d’autre part, la propriété littéraire et artistique.
 

I-1 La propriété industrielle


La propriété industrielle a pour objet de protéger des créations d’ordre technique ou esthétique ou des signes distinctifs. La propriété industrielle joue un rôle clé dans les enjeux économiques et notamment dans le processus de production et de distribution. La propriété industrielle est un instrument de restriction ou de stimulation de la concurrence qui encourage l’innovation et permet aux entreprises de distinguer leurs produits et services de ceux des concurrents. Elle est liée à plusieurs enjeux importants pour les entreprises : rentabiliser les efforts de créativité et d’innovation, développer la valeur de l’entreprise et prendre possession des connaissances qu’elle crée grâce à leur protection.

Les droits de Propriété Industrielle comprennent :

- les créations d’ordre technique :
o Le brevet d’invention (B comme Brevet),
o Le certificat complémentaire de protection est un titre venant en prolongement du brevet pour les domaines du phytosanitaire et des médicaments, c’est-à-dire pour les produits qui doivent faire l’objet d’une autorisation de mise sur le marché.
o Le certificat d’utilité est un mini-brevet. Il est soumis aux mêmes conditions de protection que le brevet. Les différences avec le brevet concernent la durée qui est de 6 ans alors qu’elle est de 20 ans pour un brevet et la sécurité juridique qui est moindre dans la mesure où il n’y a pas de recherche d’antériorité de la part des offices nationaux des brevets.
o Le certificat d’obtention végétale pour protéger l'activité de sélectionneur de tout matériel végétal (cultivar horticole ou semences agricoles), c’est à dire le processus par lequel l'homme modifie une espèce végétal.
o La topographie de semi-conducteur, c’est-à-dire la protection du modèle tridimensionnel obtenu par la superposition des différentes couches constituant le semi-conducteur (couche conductrice, isolante ou semi-conductrice).

- les créations d’ordre esthétique : le dessin ou modèle qui est défini par l’apparence du produit ou d’une partie du produit :
o L’apparence est définie comme la forme, les contours, la texture, les matériaux, la couleur du produit, et/ou son ornement.
o Les dessin et modèle s’appliquent aux produits industriels et artisanaux.

- les signes distinctifs :
o La marque (marque de fabrique, de service, ou commerciale) est un signe susceptible de représentation graphique permettant de distinguer les services ou les produits d’une personne physique ou morale.
o La dénomination sociale est la dénomination juridique d'une société commerciale figurant dans les statuts de la société commerciale considérée. C'est la dénomination sous laquelle la société est inscrite au Registre du commerce et des sociétés, et sous laquelle elle exerce ses activités
o Le nom commercial est un des éléments incorporels du fonds de commerce. C’est le nom sous lequel l’activité de l'entreprise est connue du public (matérialisé par son enseigne), et peut être différent de sa dénomination sociale
o L’enseigne est la dénomination sous laquelle le commerce est exercé et connu du public, que le commerçant appose sur sa vitrine, ses voitures de livraison, etc. Elle est le prolongement du nom commercial.
o Le nom de domaine est une adresse Internet : c’est l'équivalent d’une adresse postale mais sur Internet.
o L’indication géographique est un signe utilisé sur des produits ayant une origine géographique précise et qui possèdent des qualités ou une notoriété dues à ce lieu d'origine. La plupart du temps, une indication géographique consiste dans le nom du lieu d'origine des produits.
 

I.2 La propriété littéraire et artistique

 
La propriété littéraire et artistique se subdivise en droit d’auteurs, droits voisins (droits des producteurs de vidéogrammes, droits des artistes – interprètes, etc.), les logiciels et les bases de données. La propriété artistique et littéraire vise à protéger toutes les œuvres de l’esprit, par exemple les compositions musicales, la sculpture, les romans, les nouvelles, les poèmes, etc. Les créateurs d’œuvres protégées par le droit d’auteur jouissent de certains droits fondamentaux en vertu de la législation sur le droit d’auteur. Ils ont le droit exclusif d’utiliser l’œuvre et peuvent interdire ou autoriser sa reproduction, son interprétation, sa communication au public et sa traduction en d’autres langues.
 

Figure 1 : Droits de propriété intellectuelle

 


II- Quels sont les droits afférents aux principaux droits de propriété intellectuelle ?

Le droit de la propriété intellectuelle nait en général d’un acte déclaratif formalisé par un dépôt. Ce dépôt est géré de manière territoriale : chaque pays dispose d’organismes dédiés. En France, c’est l’Institut National de la Propriété Industrielle (INPI). Le dépôt explicite les caractéristiques à protéger : les signes distinctifs appropriables par la marque, les créations fonctionnelles appropriables par le brevet, le design pour les dessins et modèles, etc. Seul le droit d’auteur échappe à ce principe de dépôt.
  • Le droit d’auteur
Le droit d’auteur s’acquiert sans formalité de dépôt à condition que l’œuvre soit originale et porte la marque de la personnalité de son auteur. Une œuvre de l’esprit est protégée automatiquement dès sa création et comprend un droit moral et des droits patrimoniaux. Les droits d’auteurs sont exclusifs et maintenus pendant 70 ans après le décès de l’auteur. L’origine de la création est nécessairement datée pour certaines œuvres : livres, films, etc. Cependant, pour d’autres types d’œuvres (dessins, photos, etc.), il est préférable de posséder une preuve de date de création par le dépôt d’une enveloppe Soleau (S comme Soleau).
  • Le logiciel
Pour donner naissance à un droit d’auteur, un logiciel doit répondre au critère d’originalité. L’originalité d’un logiciel consiste dans un effort personnalisé au-delà de la simple mise en œuvre d’une logique automatique et contraignante. Pour les logiciels créés par les salariés d’une entreprise ou par les agents de l'Etat, des collectivités publiques et des établissements publics à caractère administratif, les droits patrimoniaux sont dévolus à l’employeur excepté le doit moral. La durée des droits est de 70 ans après la mort de l’auteur si celui-ci est une personne physique ou 70 ans après l’année de première publication du logiciel si celui-ci est une personne morale.
  • Le droit sur les bases de données
Les bases de données peuvent être protégées, d’une part, de manière classique, par le droit d’auteur, ce qui permet de protéger le choix et la disposition des données et, d’autre part, par un droit spécifique pour son contenu. Cette protection permet d’interdire l’extraction d’une partie substantielle d’une base de données numérique. La protection vaut pour 15 ans. Afin d’être en mesure d’apporter la preuve de l’extraction illicite de données, il est important d’insérer des marqueurs (adresses avec fautes d’orthographe, références inexistantes, etc.) et de faire un dépôt de la liste des marqueurs dans une enveloppe Soleau (S comme Soleau).
 
Un brevet apporte une solution technique à un problème technique. Les idées ne sont pas brevetables, seuls les moyens qui permettent de concrétiser ces idées sont brevetables. Pour être brevetable, une invention doit respecter les trois critères suivants : être nouvelle, impliquer une activité inventive et être susceptible d’une application industrielle. La durée d’une protection d’un brevet est en général de 20 ans à compter de sa date de dépôt. La protection du brevet ne porte que sur le territoire de l’Etat dont dépend l’organisme qui délivre le brevet.
 
  • Le droit des marques
Le droit de marque confère à son titulaire un monopole d’exploitation temporaire de 10 ans dans le(s) pays où elle est déposée. Elle doit être distinctive et non descriptive (exemple : la marque « étalon » bien distinctive pour un dentifrice mais descriptive pour un magazine sur l’équitation), et constituée d’un signe non interdit (tel que drapeau ou emblème illicite (contraire à la loi, contraire aux bonnes mœurs et à l’ordre public)). La marque doit être disponible, c’est-à-dire qu’elle ne doit pas avoir déjà été déposée par autrui, et ne doit pas contenir des éléments qui trompent le consommateur. La marque n’a pas besoin d’être originale ni nouvelle. Mais elle ne doit pas être :
- Descriptive (ex : tamisée pour de la farine)
- Usuelle (ex : le nom de la molécule pour un médicament)
- Nécessaire (ex : entrecôte pour un restaurant de viande ou le dessin d’une silhouette de vache pour un produit laitier).

Ce droit ne permet pas de récompenser son titulaire pour un apport créatif enrichissant la société. La protection conférée au titulaire de la marque consiste en l’obtention d’un droit exclusif d’utiliser cette marque pour désigner des produits ou services.
 
  • Le droit des dessins et des modèles
Les créations esthétiques sont protégées en France par le droit d’auteurs et peuvent également être protégées par les dessins et modèles. Au sens de la propriété industrielle, les dessins et modèles s’appliquent sur l’apparence d’un produit ou d’une partie d’un produit, caractérisée par ses couleurs, formes, lignes, etc. En revanche, la forme d’un produit imposée par une fonction technique ne peut pas être protégée par les dessins et les modèles ; ces caractéristiques techniques peuvent faire l’objet d’un dépôt de brevet. Les dessins et les modèles doivent être exploités par leur propriétaire ou être vendus ou concédés dans le cadre d’une licence. Le déposant dispose d’un monopole de 5 ans renouvelable par période de 5 ans jusqu’à un maximum de 25 ans.
 

III- Et si une création n’est pas protégeable par les droits de la propriété industrielle ?

 
Suivant les caractéristiques de l’invention, il peut être décidé de préférer un savoir-faire (secret) au dépôt d’un brevet soit pour des raisons stratégiques de garder le secret (le brevet étant publié dans les 18 mois suivant le dépôt), soit parce que le dépôt de brevet n’est pas envisageable si l’invention ne répond pas à tous les critères de brevetabilité. Le savoir-faire est un terme utilisé pour désigner un ensemble de connaissances techniques, pratiques commerciales ou organisationnelles qui sont secrètes et non brevetées. Il doit être secret, substantiel, c’est-à-dire qu’il a une utilité économique (et non pas forcément une utilité technique), il doit être identifié, c’est-à-dire suffisamment décrit pour que quelqu’un d’autre puisse le mettre en œuvre et enfin il doit être transmissible, c’est-à-dire qu’il doit être reproductible. Le savoir-faire est souvent constitué de secrets de fabrication d’un produit, de procédés particuliers, etc.

La seule façon de le protéger est d’en conserver le secret en prenant des mesures telles que : le développement d’espaces sécurisés au sein des lieux de recherche et de fabrication dans lesquels les informations sont cloisonnées ou la signature d’accords de confidentialité pour les personnes accédant aux connaissances secrètes pour éviter que des personnes non autorisées y accèdent.

 
Vous avez des questions ? Les résultats de vos travaux de recherche vous semblent susceptibles de conduire à des droits de propriété intellectuelle ou à du savoir-faire ?
N’hésitez pas à nous contacter :
drive.pi@grenoble-inp.fr ou Badiaa Houidi, chargée de Propriété Intellectuelle et Contrats au 04 76 57 43 09.