Grenoble INP Rubrique Recherche 2022

La tête dans la poussière d'étoile

Porté par des étudiants grenoblois, le projet "Deep impact" a décroché son passeport pour un vol en microgravité. Nous avons rencontré Magali Dugué et Audrey Grockowiak, doctorantes respectivement au Simap et à l’institut Louis Néel, toutes deux diplômées du master d’astrophysique de l’université Joseph Fourier.
L'avion "Zero-G" qui permet de faire des expériences en microgravité
Qu'est ce que le programme "Fly your thesis" ? Audrey Grockowiak : Chaque année, l'agence spatiale européenne (ESA) offre à des doctorants la possibilité d'effectuer des expériences en microgravité. Le programme "Fly Your Thesis !" invite chaque équipe à concevoir une expérience scientifique destinée à être réalisée en microgravité, dans le cadre d'un mémoire demaîtrise,d'une thèse de doctorat ou d'un programme de recherche. Cette initiative permet aux étudiants de partir sur l'un des vols paraboliques à bord de l'Airbus A300 "Zero-G". Une manœuvre consiste à cabrer l'avion à 45° en montée, puis, à quasiment couper les moteurs pour effectuer une trajectoire en cloche, l'ensemble de ses occupants se retrouvant ainsi en situation de chute libre, et donc de microgravité, pendant une vingtaine de secondes. Notre projet ayant été sélectionné, nous partirons de l'aéroport de Mérignac dans un an. En quoi consiste le projet Deep Impact ? Magali Dugué : Notre projet a pour but d'étudier la production de poussières lors de la collisions d'astéroïdes dans des "disques de débris tardifs", signes de la formation d'une planète. Pour cela, nous provoquons, dans une enceinte sous vide dont les matériaux ont été choisis par des élèves troisième année à Phelma, des chocs entre deux masses : une cible et un impacteur. Le taux de poussière produite lors du choc entre les deux astéroïdes, simulés à l'aide de poudre compactée sous forme de billes, la distribution en taille et en masse des grains, leurs champs de vitesse ou encore les agrégats produits seront alors enregistrés par des caméras à très haute fréquence. Au cours des trois vols de trente paraboles, nous ferons aussi varier la vitesse de collision, le type d'impact, et la composition chimique des billes. Ainsi, nous étudierons trois compositions différentes : un mélange de poudre de fer et de péridotite, une roche que l'on trouve dans le manteau terrestre et que l'on espère extraire d'un caillou rapporté du massif central. Pour la petite histoire, nous n'avons toujours pas réussi à casser ledit caillou, et avons appelé les pompes funèbres à la rescousse ! Nous testerons également un simulant de régolithe martien et un autre de régolithe lunaire, tous les deux mis au point par la NASA. Concrètement, à quoi cela va-t-il servir ? M. D. : Les données issues de ces expériences permettront aux chercheurs d'être mieux à même d'interpréter l'observation des phénomènes de dispersion de poussières dans l'espace. Par exemple, l'équipe de l'américain Paul Kalas a découvert en 2008 une exoplanète dans le disque de débris tardifs entourant l'étoile de Fomalhaut. Cette découverte a été faite par observation d'un cliché coronographique du télescope spatial Hubble. C'est typiquement ce genre de découvertes que nos recherches devraient favoriser. On espère également tirer des paramètres pour les simulateurs numériques qui simulent les collisions d'astéroïdes. Nous devrions, si tout va bien, rapporter des paramètres expérimentaux qui ne sont pas encore intégrés dans les simulateurs numériques actuels. C'est tout l'enjeu de cette expérience d'envergure.