Grenoble INP Rubrique Recherche 2022

Quel avenir pour la microélectronique ?


Grenoble IN'Press - Matrice - Icone - Puce d'articles (30x30) La recherche en nanoélectronique à l’heure de la mutation


Francis Balestra Alors que se profile la fin de la loi de Moore, la recherche en micro-nanoélectronique est plus que jamais à l’écoute des secteurs applicatifs et des besoins des utilisateurs pour programmer les efforts collectifs de "roadmapping" et de recherche à plus ou moins long terme, mais aussi pour réduire le temps de développement des produits jusqu’à leur mise sur le marché. En plus de cette approche "top-down" qui part des demandes applicatives, une vision "bottom-up" des innovations rendues possibles par l’évolution fulgurante des technologies sera aussi certainement fructueuse. Dans ce domaine, une structuration forte a été mise en place par la communauté européenne avec plusieurs entités dans lesquelles Grenoble INP joue un rôle majeur. Ainsi, l’établissement coordonne le projet Horizon 2020 "NEREID", projet stratégique réunissant une quinzaine de partenaires dans le but d’établir les prochaines feuilles de route européennes en nanoélectronique. Il est soutenu par les principaux laboratoires et centres de recherche académiques et industriels en Europe. Grenoble INP est également partie prenante et membre du Conseil Scientifique de l’association AENEAS, créée par les industriels européens dans le domaine de la nanoélectronique afin de promouvoir la R&D et l’innovation. L'association s'inscrit dans le prolongement de la plateforme technologique Eniac, vouée à fédérer l’ensemble des acteurs de la filière nanoélectronique européenne. Enfin, l’établissement est engagé dans le comité de pilotage de l’association ENI2 (European Nanoelectronics Infrastructure for Innovation), créée en juin 2010 par STMicroelectronics dans le but d’établir une coordination durable de la recherche en nanoélectronique.

Francis Balestra
directeur de recherche au CNRS,
vice-président adjoint en charge de l’Europe à Grenoble INP



Quel avenir pour la microélectronique ?


L’industrie de la micro-nano électronique se trouve à un tournant de son existence. Pour rester compétitive, elle doit faire preuve d’innovation à tous les niveaux. Grenoble INP contribue à la construction de l’avenir de cette filière en participant notamment à plusieurs projets européens.


Salle blanche

La loi de Moore, sur laquelle se fonde la révolution du numérique depuis 40 ans, n’est déjà plus applicable. Aussi, après des décennies passées à se focaliser sur la miniaturisation et l’augmentation de la vitesse de traitement de l’information, les industriels doivent inventer une nouvelle électronique et se fixer de nouveaux objectifs.

 

More Moore


Alors que la miniaturisation se heurtera tôt ou tard aux limites de la physique, ce sont désormais les innovations au niveau des matériaux et des architectures, qui permettront d'augmenter les performances des circuits intégrés traditionnels. Plusieurs voies d’amélioration sont à l’étude dans les laboratoires associés à Grenoble INP (voir tableau page ci-contre), notamment la conception de nouvelles architectures de transistors (transistor à effet tunnel, multi-grilles, nanofils…) et de circuits, le développement de nouveaux concepts d’éléments logiques, etc. Le développement de nouvelles mémoires fait également à lui seul l’objet de plusieurs projets européens auxquels participe Grenoble?INP. Dans le cadre du projet européen SPOT, le laboratoire Spintec travaille, par exemple, sur des mémoires innovantes basées sur les principes de la spintronique, en exploitant la propriété quantique du spin des électrons dans le but de stocker des informations.

D’autres explorent les propriétés de matériaux alternatifs au silicium, lequel atteint ses limites, pour mettre au point un transistor plus performant. Les voies de recherche sont nombreuses mais aucune n’a réussi encore à franchir le stade du prototype de laboratoire. Parmi les matériaux à l’étude : le germanium, le graphène, d’autres matériaux 2D tels que les TMDs (Transition Metal Dichalcogenide), le SiC ou encore les nanotubes de carbone.

En attendant que ces innovations sortent des laboratoires, les scientifiques planchent également sur l’impact et la durabilité des technologies mises en œuvre. "Ainsi, on se penche par exemple sur la substitution des matériaux rares ou toxiques, ou encore sur la réduction de la consommation énergétique des composants et des circuits, qui reste un enjeu majeur pour les applications de type IoT" souligne Francis Balestra, coordinateur du projet européen Nereid.

Grenoble INP occupe justement une position forte dans les circuits intégrés à basse consommation. Ainsi, la technologie FD-SOI (Fully Depleted Silicon on Insulator), aujourd’hui portée par ST Microelectronics, et les composants multi-grilles "Fully Inverted" pour l’intégration ultime des circuits, inventés en 1987 et industrialisés ces dernières années, sont nés dans un laboratoire de l’établissement (LPCS, aujourd’hui IMEP-LaHC) dans les années 80. Ces technologies permettent de travailler à basse tension tout en ayant de très bonnes performances.

Elles permettent notamment de réduire les courants de fuite et poursuivre l’intégration des dispositifs. La technologie FD - SOI est aussi compatible avec les règles de dessins actuelles et les procédés existants pour le silicium massif. Bien que déjà matures, ces technologies poursuivent leur déploiement dans le cadre de projets européens, par exemple le projet ECSEL "Things to Do" auquel participe Grenoble INP.

 

Vers une approche "micro-nanosystèmes"


La technologie CMOS, sur laquelle reposent les fonctions de calcul et de mémoire, ne suffit pas à poursuivre le succès de la microélectronique. L’idée de l’approche "More than Moore" est d’inverser la démarche de progression, en partant des besoins de l’application pour trouver des solutions pour les satisfaire. "Les industries dans les domaines de l’énergie, des transports, de la santé, de la sécurité, de l’internet des objets, des applications mobiles et de la fabrication industrielle ont un besoin croissant en dispositifs nanoélectroniques. Des technologies et fonctions génériques peuvent être utilisées, mais les exigences spécifiques sont de plus en plus nombreuses étant donnée la diversité des applications". Il s’agit d’intégrer, sur un même circuit, des fonctionnalités additionnelles dans le domaine des capteurs, des actionneurs, de la communication radiofréquence, de l’électronique de puissance (G2ELab), de la récupération d’énergie, des imageurs, de l’éclairage… pour donner naissance à un micro-nanosystème capable d’accomplir des tâches complexes.

Enfin, il est possible de "doper" les puces grâce à de l’intégration 3D, qui consiste à superposer plusieurs puces électroniques pour créer des composants plus puissants avec de nouvelles fonctionnalités dans un encombrement quasiment identique. Autre domaine prometteur : l’intégration sur la même puce de fonctions hétérogènes, construites avec des technologies et matériaux différents, comme des composants photoniques réalisés dans des semiconducteurs III-V et des circuits de traitement en silicium.

Si l’association du "more Moore" et du "more than Moore" offre à la microélectronique de nombreuses opportunités de croissance, la technologie CMOS se heurtera néanmoins tôt ou tard à une double limite, physique et économique. En réponse, les industriels du secteur et la communauté scientifique internationale se sont lancés depuis plusieurs années dans l'exploration de pistes nouvelles dans le domaine beyond-CMOS (ou beyond Moore). Celles-ci devraient s'avérer moins coûteuses grâce à l'introduction de nouveaux concepts n'utilisant pas l'architecture classique du transistor CMOS et les techniques de fabrication de la microélectronique silicium. Pour n’en citer que quelques-unes : la spintronique, les structures nanoélectromécaniques, l'électronique moléculaire et l'électronique quantique.


Des laboratoires aux compétences complémentaires


Les laboratoires du site grenoblois, dont sept laboratoires copilotés par Grenoble INP, ont des compétences expérimentales et théoriques complémentaires balayant toute la palette depuis les matériaux jusqu’au système, en passant par les procédés, les composants et les circuits. Ces compétences leur permettent d’apporter des contributions dans tous les domaines applicatifs de la microélectronique : logique, télécoms et fonctions intégrées pour la mesure physique, la bio, la santé et l’énergie…

Tableau laboratoires


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REMINDER miniaturise les mémoires volatiles


Réduire la taille des mémoires sans réduire leur capacité de stockage, tel est, pour résumer, l’enjeu du projet européen REMINDER. D’un point de vue technique, une mémoire vive dynamique (DRAM)* est constituée d’un transistor associé à un condensateur dans lequel l’information est stockée sous forme de charge électrique, qui doit être rafraîchie à des intervalles qui se comptent en millisecondes. Pour réduire l’encombrement de l’association condensateur/transistor, plusieurs concepts révolutionnaires sont à l’étude à l’IMEP-LaHC depuis une dizaine d’années.

"On a surtout imaginé des concepts de mémoire dans lesquelles la capacité serait tout simplement supprimée" explique Maryline Bawedin, enseignante à Grenoble INP - Phelma et chercheuse au laboratoire.  Brevetés, ces concepts ont été pré-sélectionnés dans le cadre du projet européen REMINDER, qui réunit plusieurs partenaires à la recherche d’une mémoire révolutionnaire pour contrer le problème de la miniaturisation. L’idée ? Gagner encore plus de place sur les circuits en utilisant le transistor pour à la fois stocker et lire l’information.

"Grâce à la technologie SOI qui fait que chaque transistor est isolé, il est possible d’y stocker une information sous forme de charge sans qu’elle ne s’échappe dans le circuit". Finalement, le concept retenu pour la suite du projet, lui aussi développé et breveté par le laboratoire grenoblois, est encore plus original : le dispositif Z2-FET, compatible avec les exigences basse consommation de l'Internet des Objets (IOT). Dans le cadre de REMINDER, les chercheurs devront définir plus précisément la façon de stocker et de lire l’information. Ils intégreront ensuite l’élément dans un démonstrateur complet pour vérifier qu’il est fonctionnel en situation, et compatible avec les contraintes technologiques. A suivre.

* Contrairement à une mémoire flash, une mémoire DRAM est volatile, car elle perd ses données lorsqu'elle n'est plus alimentée.


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Bientôt des capteurs à nanonets au chevet des patients ?


Nanonets
 
Peu coûteux à intégrer et très sensibles aux modifications de surface, les "nanonets" présentent des propriétés qui pourraient être mises à profit dans le domaine du diagnostic médical. C’est ce que va tenter de démontrer le projet européen Nanonets2Sense, coordonné par Mireille Mouis, chercheuse à l’IMEP-LaHC et directrice de la Fédération Micro Nano Technologies (FMNT).

Aujourd’hui, le secteur médical a besoin de capteurs de pré-diagnostic et de surveillance médicale qui soient directement utilisables au chevet du patient. L’une des solutions les plus prometteuses consiste à utiliser des nanofils semi-conducteurs, du fait de leur grande sensibilité à tout ce qui peut modifier leur surface. Cependant, leur intégration dans un système CMOS comprenant à la fois la partie sensible du capteur et le circuit de mesure fait appel à des technologies coûteuses, freinant leur développement. Du fait de leur structure cristalline en réseau non organisé de nanofils (pour "NANOstructured NETwork"), les nanonets se prêtent au contraire très bien à une intégration 3D compacte et bas coût, utilisant des technologies de faible résolution. Grenoble INP détient, en outre, un brevet protégeant une technique de frittage assurant la cohésion du nanonet et augmentant sa conductance, tout en améliorant son adhésion au substrat.

Pour valider le concept, Nanonets2sense prévoit la fabrication de démonstrateurs dédiés à la détection de deux types de biomolécules: l’une présente en forte quantité dans l’haleine des patients diabétiques pendant une crise d’hypoglycémie, l’autre fournissant un modèle pour la détection d'ADN circulant dans le sang pour la surveillance de l’évolution des tumeurs cancéreuses. Le projet, qui a débuté en février 2016 pour une durée de trois ans, commence à livrer ses premiers résultats.

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