Maturation technico-économique

article rédigé par Isabelle Chéry


La maturation technico-économique est une étape cruciale qui permet de fiabiliser un résultat scientifique innovant sur des applications ciblées. Elle permet de sécuriser la future opération de transfert de la technologie vers le milieu économique. Le transfert de technologie peut se traduire soit par une licence vers un ou des partenaires industriels, soit par une création de start-up (cf S comme Start-up).
 

1. Le processus de maturation

L’entrée en maturation s’effectue lorsque la technologie possède un niveau de maturité suffisant. Au regard de l’échelle TRL de la Nasa (cf T comme TRL), la maturation démarre pour des technologies situées à un TRL 4.
La réalisation d’une maturation s’effectue suivant un processus qui couvre trois aspects :

a.    Aspects « Marketing » pour s’assurer que le marché soit réceptif à l’innovation
Cette étape consiste à identifier les usages ou applications potentiels de l’innovation. L’inventeur de la technologie est le mieux placé pour imaginer ces différents usages. Afin de les déterminer, il est nécessaire tout d’abord de bien transformer la solution innovante sous forme de problèmes que l’innovation se propose de résoudre. Souvent, l’inventeur pense que son innovation est supérieure aux technologies existantes car elle semble adresser de nombreux problèmes non résolus par les technologies actuelles. Paul Millet [1] parle de prolifération des applications et du mythe du « big market ». En effet, au début du processus, on se base sur des hypothèses d’applications mais il est nécessaire de confronter ces hypothèses au terrain : d’abord, en interviewant les industriels afin de vérifier que la technologie semble effectivement résoudre des problématiques réelles ; puis par des tests en milieu industriel représentatif. Ces tests sont déterminants : ils peuvent démontrer que l’innovation peut effectivement résoudre les problèmes identifiés mais ils peuvent aussi révéler des inconvénients créés par la solution et pas toujours anticipés. Ces problèmes induits pourraient s’avérer plus problématiques pour l’industriel, annulant dès lors le bénéfice de la solution.
Pour identifier les cibles industrielles potentielles, il faut s’appuyer tout d’abord sur un solide réseau dans les domaines d’application identifiés. Il s’agit ensuite de pousser la recherche de contacts industriels en s’appuyant sur les acteurs majeurs de propriétaires de brevets dans les domaines ciblés par le biais des bases de données brevets. Internet, les réseaux professionnels, les salons et les congrès sont aussi des sources de contacts et d’informations.
Une fois les contacts identifiés, pour décrocher un entretien, il est nécessaire de personnaliser les méthodes d’approches vers la cible. A ce stade, il est conseillé de contacter le directeur R&D. Pour mener à bien ces interviews, il est utile de construire un guide d’entretien. Ces entretiens ont pour objectif de confirmer ou d’infirmer la pertinence de la solution technologique pour les problématiques des industriels contactés et d’identifier les éventuels effets de bord. L’objectif des interviews est donc de récupérer le plus d’informations possible afin de mieux comprendre le marché et d’adapter éventuellement l’innovation.
Si la discussion s’avère laborieuse, nécessitant de pousser les idées pour convaincre l’interlocuteur par tous les moyens, c’est peut être un signe que le problème traité n’est pas le bon ou qu’il n’est pas adressé de la bonne manière. Mais attention, il se peut également que les industriels ne croient pas en la technologie, les innovations de rupture étant très souvent rejetées.
Ces interviews ont pour objectif de préparer la segmentation des applications auxquelles l’innovation semble répondre. La segmentation est la constitution de groupes de clients qui semblent avoir la même problématique ou la même tâche à optimiser. L’objectif est de  regrouper plusieurs applications de l’innovation qui répondent à une même problématique avec un gain technique attendu pour plusieurs clients suite à l’étude terrain.
Il convient ensuite de choisir le segment sur lequel on souhaite se positionner : ce segment est celui pour lequel le problème a une forte valeur ajoutée et/ou est le plus proche de la solution actuelle ce qui le rend plus facile à démontrer. Il est préférable de rentrer sur des marchés de niche. En effet, le marché de niche permet de consolider la technologie en prenant moins de risques puisque l’on se met à l’abri des concurrents plus puissants qui trouveront cette niche trop petite pour s’y intéresser. En pratique, on va parfois simplement s’appuyer sur un segment pour lequel un industriel a exprimé son intérêt : il croit en l’innovation et va nous aider à établir un cahier des charges adapté à la problématique et qui permette de construire un démonstrateur qui pourra être testé en milieu réel avec cet industriel.

b.    Aspects techniques pour réaliser un démonstrateur conforme au cahier des charges établi avec des industriels représentatifs, identifiés par l’étude Marketing
Cette étape est la réalisation du démonstrateur qui répond au segment sélectionné et qui sera testable chez un partenaire industriel afin éventuellement de l’améliorer jusqu’à son adoption ou son abandon. Eric Ries [2] parle de la réalisation d’un « produit minimum viable » (figure 1). Cela permet d’avoir des tests réels, d’obtenir une première référence d’industriel, d’apprendre, de s’adapter et de se confronter aux problèmes rencontrés sans avoir à les modéliser ou tout simplement à les identifier.
 
Figure 1 : illustration par Eric Ries du processus pour obtenir un produit adapté au besoin d’un industriel.

c.    Aspects juridiques pour protéger efficacement l’innovation et s’intéresser à la réglementation
Tout au long du processus, l’efficacité de la propriété intellectuelle qui protège l’innovation technologique (secret, brevet, logiciel, base de données ou savoir-faire) sera évaluée et éventuellement complétée au regard des données marketing et des avancées techniques. On déterminera la géographie de la protection par brevet (cf B comme Brevet). On étudiera aussi les normes et la réglementation (par exemple, en matière de sécurité) au cours de la maturation.

 

2. La maturation et la SATT Linksium

La SATT Linksium (cf S comme SATT) finance le processus de maturation. Plus qu’un financement, le porteur de projet est accompagné par tout un écosystème. Le chargé de valorisation de l’établissement, avec l’appui de toute la structure de la SATT (un chargé d’affaires thématiques, un chargé de PI, l’accès à des formations, etc.), sont à la disposition du porteur de projet afin de l’aider principalement sur l’étape Marketing, la partie technique relevant de la compétence de l’inventeur.
 

3. La maturation de votre projet

Vous souhaitez initier un processus de maturation, peut–être dans l’optique de créer votre start-up ou tout simplement de transférer votre innovation à un industriel existant ? Alors n’hésitez pas à contacter vos chargés de valorisation de la DRIVE (Direction Recherche Innovation Valorisation Europe) à Grenoble INP : Isabelle Chéry ou Wahiba Robert. Vos chargés de valorisation sauront vous accompagner dans toutes les phases du processus de valorisation.


[1] Paul Millet, Segmenter les marchés du futurs, la méthode de segmentation, Ed. Perason, 2015.
[2] Eric Ries, The Lean Startup: How Today's Entrepreneurs Use Continuous Innovation to Create Radically Successful Businesses, 2011 ed. Broché.