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Ecouter le cœur des fœtus

Durant la thèse qu’il a effectuée au Gipsa-lab, Réza Sameni a développé le premier système permettant de réaliser des électrocardiogrammes de fœtus. Une grande avancée en obstétrique ! Ces travaux recevront le prix de thèse 2010 de Grenoble INP. Rencontre avec Christian Jutten, qui a encadré ce travail.
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Dans quel contexte a été monté ce projet ?

Christian Jutten : Spécialisé dans le traitement statistique des signaux multidimensionnels, j'ai d'abord travaillé sur les réseaux de neurones artificiels, avant de me concentrer entre autres sur les méthodes de séparation de sources. Ces travaux théoriques trouvent leur terrain d'applications dans le domaine des signaux biomédicaux : électrocardiogramme, imagerie par résonance  magnétique fonctionnelle, électroencéphalogramme, électromyogramme... mais aussi dans le domaine de la géophysique ou de l'astrophysique:imagerie hyperspectralesatellitaire, télédétection, séparation de signaux sismiques, ou encore pour la séparation audiovisuelle de signaux de parole ou la conception de réseaux de capteurs chimiques. Avec deux collègues de l'hôpital Robert Debré et d'Evry, nous avons entrepris en 2002 un travail sur la mesure du signal cardiaque chez le fœtus. Cette étude a pris un nouveau tour en 2006, avec le début de la thèse de Réza Sameni, aujourd'hui maître de conférences à l'université de Shiraz, en Iran. En quoi a-t-il consisté exactement ? C. J. : Nous avons travaillé à extraire le signal cardiaque du fœtus à partir de signaux de surface, susceptibles d'être mesurés de façon non invasive grâce à des capteurs classiques. Il s'agit d'une avancée significative pour les obstétriciens, qui ne disposent jusqu'à présent que de techniques d'analyse par échographie ou par ultrasons, lesquelles requièrent la présence d'un médecin. Les méthodes électriques de mesure du rythme cardiaque du fœtus sont en effet inutilisables en raison de la faiblesse du signal, et du fait que ce dernier est parasité par le cœur et les influx musculaires de la mère. De plus, le fœtus est recouvert de vernix, qui joue le rôle de cage de Faraday et rend la mesure encore plus difficile à réaliser. Comment cela fonctionne-t-il ? C. J. : L'idée est d'utiliser plusieurs capteurs de façon combinée. Jouant le rôle d'une antenne capable de cibler une zone du corps en particulier, l'ensemble agit comme un filtre qui permet d'isoler l'une des sourcesintervenant dans le signal. C'est ainsi que l'on parvient à éliminer les perturbations provenant des muscles et du cœur de la mère. En cas de suivi de grossesse à risque, la possibilité d'obtenir un électrocardiogramme (ECG) du fœtus est un vrai plus. En outre, il est possible de distinguer les signaux émis par des jumeaux, ce qui est impossible actuellement. Ce travail, réalisé par Réza Sameri dans le cadre d'une thèse au Gipsa-Lab, a d'ailleurs fait l'objet d'une première mondiale il y a deux ans. L'utilisation de cette méthode dans ce but précis a en outre été brevetée par le MIT, en copropriété avec Grenoble INP et l'UJF, Grenoble INP détenant 70% des droits. Le GUV de Grenoble INP a conclu l'accord de copropriété prévoyant que la valorisation serait effectuée par le MIT. Une licence a récemment été accordée à une start-up (Mindchild Medical Inc.) proche du MIT. Un second brevet est en cours de dépôt pour protéger le principe d'élimination des artéfacts de type ECG, qui pourra être utile dans d'autres domaines. Nous travaillons aujourd'hui à réduire le nombre d'électrodes nécessaires pour effectuer ces mesures, et à la mise au point d'un prototype. Nous devons également améliorer la méthode, qui aujourd'hui ne permet de traiter que des signaux enregistrés, de façon à ce qu'elle permette de travailler en temps réel.